Mabel ADDIS - celle sans qui les jeux de gestions ne seraient pas
En ce 8 mars, pour fêter la journée internationale du droit des femmes, le SOCIAL GAMERS CLUB a décidé cette année de se pencher, encore une fois, sur une figure de l'Histoire des jeux vidéo injustement méconnue, pour ne pas dire inconnue, du grand public : Mabel Addis Qui est donc Mabel Addis ? Née le 21 mai 1912 à Mount Vernon, en Virginie (Etats-Unis), Mabel Addis excelle à l'école et obtient son diplôme, major de promotion, en 1929. Une fois son diplôme en poche, elle décroche un diplôme en Histoire ancienne et une mineure en psychologie en 1933, au Bernard College (Columbia), puis une Maîtrise en éducation à l'Université de Columbia. Travaillant d'abord dans une école rurale à classe unique, puis de 1937 à 1950 à l'école Hyatt Avenue, avant d'enseigner dans le district scolaire de Katonah-Lewisboro de 1950 à 1976. Très active dans sa communauté pendant cette période, ses connaissances en Histoire lui permettent de contribuer aux comités d'Histoire et de livres du district scolaire. En outre, elle écrit et publié des articles historiques, commence une collection d'histoire orale et co-écrit un livre intitulé Katonah: a History of a New York Village et Brewster Through the Years. C'est seulement dans les années 60, que Mabel Addis fait son entrée dans le monde vidéoludique, en ayant été choisie pour travailler avec IBM et Boards of Cooperative Educational Services (à savoir, un programme destiné à aider les écoles rurales à mettre en commun leurs ressources et dont le directeur du comté de Westchester considère que les ordinateurs et les jeux de simulation sur ordinateur peuvent être utilisés pour améliorer les résultats scolaires dans les petits districts), dans le but de créer le premier jeu informatique basé sur du texte. C'est dans ce cadre, que le jeu The Sumerian Game voit le jour en 1964, sur IBM 7090 (ordinateur introduit en 1959). Il s'agit d'un jeu de gestion, en mode texte, où le joueur incarne successivement trois souverains de la cité de Lagash, du pays de Sumer (d'où le nom du jeu), en Mésopotamie, vers -3500 A.D.. Imaginé pour être joué par un groupe d'élèves (bien qu'une seule personne soit amenée à entrer les réponses), le jeu est divisé en trois phases dont la complexité croissante correspond aux règnes successifs de ces dits trois souverains. Chaque phase se déroule en une suite de tours où il faut répondre par des nombres à une série de questions posées par le programme. Pour entrer les réponses, l'IBM 7090 étant ce qu'il est (à savoir, un gros ordinateur occupant une pièce entière, avec un ilot central), les réponses étaient entrées dans l’ordinateur central par l’intermédiaire d’un téléscripteur. La première version du jeu a été jouée par un groupe de 30 élèves de sixième en 1964, alors qu'une deuxième version, au gameplay remanié, avec des éléments narratifs et audiovisuels ajoutés (présentés comme des discussions entre les conseillers du souverain, associées à des images affichées sur un écran par l’intermédiaire d’un projecteur de diapositives) a été jouée par un deuxième groupe d'élèves en 1966. Cependant, les deux versions du programme reposent sur le même principe. Comment se déroule une partie de The Sumerian Game ? La première phase du jeu débute donc en -3500 A.D., sachant que chacun des tours correspond à une saison (limitée à trente tours dans la deuxième version du jeu). Chaque tour débute avec un rapport sur la situation de la cité (nombre d'habitants, surfaces de terres agricoles, nombre de fermiers ou encore la quantité de grains récoltés et stockés). Il est suivi par une série de questions permettant de définir la quantité de grains à stocker et à utiliser pour les plantations et/ou pour nourrir la population. Une fois les décisions prises par le joueur, le programme calcule les effets de ces choix sur la situation de la cité. En outre, à chaque tour, le programme peut générer plusieurs évènements. A l'instar d'un SimCity bien des années plus tard, la cité peut ainsi être touchée par des catastrophes naturelles, telles des incendies ou des inondations, ayant pour conséquences de détruire un certain pourcentage de la population et/ou des récoltes. Mais le programme prend également en compte la possibilité de la disparition d'une partie des réserves de grains par pourrissement et/ou à cause des rats. Mais tout n'étant pas non plus tout noir, la cité peut, comme dans un Civilization, bénéficier d’innovations technologiques qui permettent par exemple de limiter la quantité de grains gâchés à chaque tour ou de réduire le nombre de fermiers nécessaires pour cultiver chaque parcelle. D'ailleurs, plusieurs de ces innovations nécessitent du joueur la prise de bonnes décisions, comme d'avoir nourri sa population pendant plusieurs tours successifs (mesure toujours utile quand on y pense, me direz-vous). Au début des phases suivantes, afin de représenter le passage à une autre époque, le programme ajuste la population et les réserves de la cité à des valeurs prédéfinies, indépendamment des résultats obtenus précédemment. Autre détail à souligner, dans la première version du jeu, les phases deux et trois reposent sur le même principe que la première, mais donnent au joueur de nouvelles options : la deuxième phase permet d'assigner la population à l’artisanat pour débloquer des innovations ; et la troisième phase permet le développement du commerce et ainsi étendre la cité. En revanche, dans la seconde version du jeu : les phases deux et trois sont limitées à dix tours ; la deuxième ne demandant plus de gérer les allocations de grains mais uniquement d’assigner les habitants à l’agriculture ou à l’artisanat ; et la troisième phase restant ce qu'elle était, bien qu’il soit un temps envisagé d’y supprimer la gestion du grain et d’y ajouter de nouvelles options en termes de commerces, de colonisation et de guerre. Mais après cela ?The Sumerian Game est resté au placard jusqu'à la publication, en 1974, de 101 Basic Computers Games (recueil de jeux regroupant de nombreux jeux sur ordinateur à taper à la main dans le langage de programmation BASIC), dans lequel on trouve un jeu largement inspiré de The Sumerian Game : Hamurabi. Après l'aventure de la création de The Sumerian Game, bien loin des projecteurs et de l'effervescence autour des ordinateurs et des jeux vidéo, Mabel Addis finit sa carrière d’enseignante à l’école Katonah de New York, ville où elle décède en 2004, à l'âge de 92 ans. Quel a été l'impact du travail de Mabel Addis sur le monde vidéoludique ? Comme vous l'aurez certainement compris en découvrant le concept et fonctionnement de The Sumerian Game, bien que ce jeu ait été créé et développé dans le cadre de recherches de nouveaux usages pour les simulations informatiques, il a réellement été LE pionnier de plusieurs développements dans le milieu. Il est d'ailleurs souvent vu comme étant l'un des jeux ayant eu le plus d'influence sur le monde vidéoludique. Ainsi, outre le fait d'être un prototype en matière de jeux de stratégie, de gestion et de construction de villes, The Sumerian Game a été décrit comme le premier jeu vidéo avec un récit, ainsi que le premier jeu ludo-éducatif. Il s'agit donc ici du tout premier jeu vidéo créé sur un ordinateur entièrement électronique, faisant par conséquent de Mabel Addis le premier scénariste de jeux vidéo sur ordinateur, ainsi que la première femme à concevoir un jeu vidéo (on peut d'ailleurs parler, dans une certaine mesure, de Game Design). Malheureusement, le code original de The Sumerian Game est aujourd'hui perdu, mais les diapositives du projecteur et trois imprimés de sessions de jeu individuelles ont été trouvés en 2012 et donnés au The Strong National Museum of Play (New York, Etats-Unis), où ils sont conservés dans le Brian Sutton-Smith Library and Archives of Play. En effet, bien que la fille d’Addis ait fait don de toutes les notes de sa mère, concernant The Sumerian Game, à la demande de l’historien Devin Monnens, à ce musée, cela ne couvre que le premier tiers de la version de 1964 du jeu, faisant de ce jeu, à l'instar des contributions apportées par Mabel Addis, une page oubliée de l'Histoire des jeux vidéo. Toutefois, quand on y pense, le choix pour la civilisation Mésopotamienne par Mabel Addis semble parfaitement coller à ce que représente son jeu dans l’Histoire du jeu vidéo. En effet, alors que les civilisations égyptienne, grecque, romaine, ou encore maya sont vues comme ayant été à l'origine des grandes découvertes et innovations de notre Histoire, on oublie ou on ignore bien trop souvent, que c'est bien en Mésopotamie que viennent des inventions telles que la roue, la production de masse de céramique et de briques, les mathématiques, le temps, l'écriture, les sceaux-cylindres et enveloppes, les villes, la cartographie, la voile, ou encore le premier jeu de société. En conclusion de ce petit article, il conviendrait donc de dire un grand merci à cette femme incroyable, bien qu'injustement méconnue, sans qui le monde du jeu vidéo ne serait certainement pas ce qu'il est à présent.
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En ce 8 mars 2021, Journée internationale des droits des femmes, le SOCIAL GAMERS CLUB a jugé bon de parler de Dona Bailey. Mais qui est Dona Bailey me diriez-vous ? Née en 1955 dans l’Arkansas, aux USA, Dona Bailey obtient son baccalauréat en avance et commence à seulement 16 ans ses études universitaires. Suivant une formation accélérée toute l’année, y compris l’été, à 19 ans, elle est diplômée avec un bachelor (premier cycle d’étude universitaire, soit bac +3) en psychologie, avec trois cursus secondaires en anglais, mathématiques et biologie ; puis poursuit sa formation en obtenant un master en mathématiques (deuxième cycle universitaire, soit bac +4 - bac +5). A 23 ans, elle est embauchée par General Motors comme programmeuse junior (elle y travaille pendant 2 ans) et est formée à la programmation en langage assembleur. Découvrant la borne d’arcade Space Invaders, elle est tout de suite fascinée par ce jeu. Réalisant qu'ATARI utilise le même microprocesseur dans ses jeux, que celui sur lequel elle travaille, Dona Bailey décide de rejoindre ATARI. A 25 ans, elle rejoint la division des jeux d'arcade d'ATARI. Elle est alors la première et unique femme au sein de l’entreprise. Cherchant une idée qui change des jeux de baston et de vaisseaux spatiaux, histoire de proposer quelque chose de nouveau, pouvant à la fois plaire aux hommes comme aux femmes, après avoir épluché le carnet à idées de l’équipe, elle se dirige vers l’unique note attirant son attention : un insecte multi-segmenté se dirigeant vers le joueur. Ed Logg la rejoint sur le projet et ensemble ils aboutissent rapidement à un schéma de jeu : un envahisseur à exterminer se dirige vers le joueur ; en tirant dessus, l’ennemi se divise, augmentant sa vitesse et donc la difficulté du jeu.
Mais malheureusement, malgré ce franc succès (55 988 jeux arcade vendus, soit le 8e plus vendu), Dona Bailey ne restera pas longtemps chez ATARI, visiblement pour des histoires de jalousies engendrées par la réussite de son jeu. Et vous, avez-vous déjà joué à Centipede ? Si oui, sur quel support ?
Envie de relever le défi ? 7.111.111 - C’est le record sur borne arcade (détenu par l'américain Donald Hayes, le 5 novembre 2000) |